Durant la guerre froide, le commandement de l’US Navy en charge des transports logistiques lourds, ou Sea Lift Command, avait à sa disposition un importante flotte de bâtiments de transport logistique pour, le cas échéant, être en mesure de transporter les forces et les équipements du continent américain en Europe afin de pouvoir s’opposer à une éventuelle attaque des forces du Pacte de Varsovie.
Avec l’effondrement de l’Union Soviétique, et l’éradication de la menace perçue en Europe, ce commandement a vu ses moyens être réduits au stricte minimum. De fait, aujourd’hui, la moyenne d’âge des navires en service pour cette mission dépasse les 40 ans, et il n’existe aucun programme de nouveaux navires pour les remplacer, alors que la menace, elle, est belle et bien réapparue avec le renforcement sensible de la puissance militaire russe, et les tensions plus que croissantes au Moyen-Orient et en Méditerranée.
Pour répondre à ce besoin, la DARPA vient de lancer un programme visant un créer les solutions technologiques permettant non seulement de concevoir des navires de transport logistique autonomes sans équipage, mais de leur donner la capacité de former dynamiquement des convois transatlantiques à haute vitesse pour, une fois arrivés, se séparer et se diriger vers leurs ports de destination respectifs.
Le Sea Lift Command participe, entre autre, au transport des forces blindées qui ne peuvent être déployés par transport aérien.
A l’instar des convois routiers de poids lourds en pilotage automatique, cette approche permettrait de réduire sensiblement l’empreinte du convois naval sur l’océan, et donc d’augmenter ses chances de passer entre les mailles d’une éventuelle force navale et/ou aérienne destinée à l’intercepter. En outre, cela permettrait de ne pas enregistrer de pertes humaines si un navire venait à être détruit. Rappelons que durant la bataille de l’Atlantique, lors de la seconde guerre mondiale, les navires de commerce alliés, et leurs équipages, payèrent le prix fort de l’effort visant à maintenir le cordon ombilical transatlantique avec la Grande-Bretagne, enregistrant plus de 20 millions de tonnes de navires coulés, et 45.000 marins morts ou disparus, dont 30.000 britanniques.
Surtout, une flotte logistique à forte automatisation permettrait de réduire très sensiblement son empreinte en matière de ressources humaines sur l’US Navy, alors que l’on sait à quel point les armées américaines peinent aujourd’hui à maintenir leurs effectifs. Sachant que le Sea Lift Command est une force dont l’utilité est faible en temps de paix ou de tensions régionales, mais très forte en cas de conflit majeur, la solution portée par la DARPA apparait des plus pertinentes. Inutile en effet de dédier des effectifs importants pour une flotte passant une grande partie de son temps à quai, alors que les frégates et destroyers bénéficieraient grandement d’un passage en double équipage pour réduire l’épuisement physique et moral des équipages face à la pression opérationnelle actuelle.
En temps de paix, ou de tensions modérées, un grand nombre des navires du Sea Lift Command doivent rester à quai, tout comme leurs équipages.
Qui plus est, la maitrise d’une telle technologie permettrait aux États-Unis de se repositionner sur le marché de la marine marchande internationale, de sorte à non seulement retrouver une plus grande indépendance dans ce domaine, mais également de soutenir l’activité de ses chantiers navals en revenant, progressivement, à la construction de navires de commerce de fort tonnage. En effet, la DARPA a bien souvent développé des technologies militaires s’étant révélées applicables dans le civil. Une étude parue il y a quelques années avait ainsi montré que plus de 30% du PIB de la Californie était lié à des investissements technologiques d’origine militaire. Un aspect souvent ignoré dans les arbitrages rendus par les autorités politiques concernant les crédits de recherche consacrés à La Défense.
Reste que, pour beaucoup de marins, l’idée de laisser naviguer un navire majeur sans équipage parait difficile à concevoir. Non pas que le navire ne puisse respecter ses routes ou s’adapter aux conditions de mer seuls, pour peu qu’il ait les équipements de navigation adéquates contrôlés par une intelligence artificielle performante.
En revanche, un grand bâtiment, même récent, fait face à de nombreuses avaries plus ou moins graves, justifiant la présence d’un équipage sans lequel elles pourraient immobiliser le navire, voir l’envoyer par le fond. La solution à ce problème pourrait être l’intégration au convoi d’un navire disposant d’un équipage et d’une équipe de maintenance pouvant être transféré sur les différents navires nécessitant une intervention de maintenance par hélicoptère ou par drone. Dans tous les cas, cela représenterait une empreinte humaine bien plus réduite que celle nécessitant un équipage par navire.
Source : MetaDefense