Le 27 décembre, l’agence DPA a révélé que le gouvernement allemand avait « refusé à deux reprises les demandes de la France pour participer au déploiement de forces spéciales européennes pour combattre les islamistes au Mali », c’est à dire à l’opération « Takuba », laquelle doit appuyer la force française Barkhane en 2020.
Au premier abord, et même si on sait que l’Allemagne est toujours réticente à engager ses troupes à l’extérieur de ses frontières, cette position pouvait sembler étonnante dans la mesure où, lors du dernier sommet du G7, à Biarritz, le président Macron et la chancelière Angela Merkel s’étaient mis d’accord pour lancer un « Partenariat pour la sécurité et la stabilité » au Sahel.
« Face à l’extension du phénomène terroriste, nous avons décidé […] d’élargir ce soutien, de le renforcer et de lancer une nouvelle initiative avec le Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel. Tous les efforts [jusqu’ici consentis, ndlr] sont évidemment très utiles mais notre objectif est de changer d’échelle, de méthode », avait alors expliqué M. Macron.
Ayant rappelé qu’il ne pouvait pas y avoir de « développement sans sécurité », Mme Merkel avait estimé qu’il était « urgent d’agir », avant d’assurer que l’Allemagne allait « consentir tous les efforts possibles » pour faire aboutir ce Partenariat pour la sécurité et la stabilité, qu’elle considérait alors comme « prioritaire ».
Seulement, les partis qui composent la coalition gouvernementale que dirige Mme Merkel, à savoir la CDU/CSU [chrétiens-démocrates] et le SPD [sociaux-démocrates], ne sont absolument pas sur la même longueur d’onde.
Ainsi, ce 30 décembre, la porte-parole de la chancellerie, Ulrike Demmer, a une nouvelle fois rappelé que, pour Mme Merkel, la « stabilité » du Sahel « constitue un facteur essentiel de notre propre sécurité en Europe » et que « nous observons avec inquiétude la détérioration continue de la situation sur place. » Et d’assurer que, aux yeux de la chancelière, l’Allemagne « voulait et devant assumer davantage de responsabilités sur place. »
Présentée comme étant la « dauphine » de Mme Merkel, la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, affiche la même position. Le 29 décembre, dans les colonnes du Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, elle a plaidé pour un « mandat renforcé » de la Bundeswehr au Sahel.
Actuellement, les forces allemandes sont engagées dans la mission européenne EUTM Mali, qui vise à former leurs homologues maliennes, ainsi que dans la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali [MINUSMA]. Leur mandat ne leur donne pas toute la latitude nécessaire pour prendre part à des opérations de combat. Ce que déplore, donc, Mme Kramp-Karrenbauer, qui a pris en exemple la France, laquelle « est impliquée sur place avec un mandat beaucoup plus robuste » que celui de la Bundeswehr.
Seulement, les sociaux-démocrates ne partagent pas cette vision. « Nous n’accepterons aucune offensive militaire mal préparée et pas de redéfinition par le ministère de la Défense de la politique étrangère allemande », a répondu Saskia Esken, la présidente du SPD, qui souhaite faire prendre à son parti une orientation plus à gauche.
En outre, a-t-elle continué, la ministre [allemande] de la Défense « ne dit pas un mot sur le danger d’une telle opération et sur les risques pour nos soldats. »
Même son de cloche du côté de Fritz Felgentreu, membre du SPD et président de la commission de la Défense au Bundestag. Se disant « très sceptique » au sujet des propos de Mme Kramp-Karrenbauer, il a fait valoir que, selon la Loi fondamentale [Constitution allemande], la « base juridique d’un déploiement à l’étranger de la Bundeswehr ne pouvait se faire que dans le cadre d’un mandat de l’ONU et de l’UE », oubliant, curieusement, de citer l’Otan, alors que des soldats allemands participent actuellement à la mission Resolute Support, en Afghanistan.
En attendant, selon un récent sondage publié par Welt am Sonntag, 55% des Allemands seraient opposés à une "utilisation accrue" de la Bundeswehr pour résoudre les problèmes de politique étrangère.
Source : OPEX360