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La force terrestre d’autodéfense japonaise lance ce mardi 27 mars une brigade de déploiement rapide amphibie, considérée comme la version japonaise des Marines américains. Équipée d’aéronefs Osprey et de véhicules amphibies AAV-7, elle doit pouvoir reprendre des « îles éloignées ». Toujours dans une posture défensive, le Japon se prépare à de possibles opérations offensives.
Marins japonais (defence.pk)
Dans un mouvement plus large de réorganisation de la Force terrestre d’autodéfense (GSDF), la plus importante depuis sa création en 1954, le Japon donne vie à son unité de Marines, s’inspirant du modèle américain. Le Japon impérial de Hiro-Hito possédait aussi son unité de Marines japonais ayant ont servi pendant la Seconde Guerre Mondiale, mais ceux-ci étaient rattachés à la Marine tandis que la version moderne sera une composante des forces terrestres dites d’autodéfense. La GSDF va également établir le Commandement de la composante terrestre (Ground Component Command, GCC), qui contrôlera les opérations générales des brigades et des divisions à travers le pays.
Selon la presse japonaise qui reprend une annonce de la GSDF, « la nouvelle unité a été créée en réponse à l’affirmation croissante de la Chine dans la mer de Chine orientale et aux tensions avec la Corée du Nord » et aura pour mission principale de reprendre « des îles éloignées si elles sont capturées par une armée étrangère », « telles que les Senkakus », « qui sont également revendiquées par les retardataires chinois et taïwanais ». La brigade de déploiement rapide qui comptera environ 2.100 personnes, sera basée au Camp Ainoura dans la préfecture de Nagasaki et sera également chargée d’intervenir dans le cas de catastrophes naturelles.
Elle comprendra une unité amphibie et une unité aérienne et sera équipée « des véhicules d’assaut amphibies actuellement utilisés par les Marines américains ». Le ministère de la Défense japonais prévoit également d’acquérir 17 avions de transport Osprey, mais l’armée japonaise ne sait pas encore où les stationner, la préfecture de Sage qui abrite l’aéroport initialement choisi s’étant opposée à cette décision après le crash d’un autre Osprey dans la région. Au Japon on n’hésite pas à parler d’incertitude quant à leur déploiement.
Autre problématique pour le déploiement d’unités de Marines japonais vers des îles éloignées, les navires… Les forces maritimes ne disposent que de trois navires de transport pour les véhicules amphibies, les navires de classe Ōsumi. Pour les spécialistes japonais « le transport des 52 véhicules amphibies dont l’introduction est prévue exigerait que ces navires fassent la navette ». Même les véhicules amphibies, des AAV-7 de BAE Systems transportant 24 hommes chacun, ne seront pas prêts au lancement de la nouvelle unité. Seuls 12 seront disponibles et ce « en raison d’un retard de livraison » !
Premier AAV-7 japonais reçu en 2015 (Defence Blog)
La réorganisation du GSDF comprendra également la transformation de deux des quinze divisions et brigades du GSDF en deux divisions de déploiement rapide. Ces deux unités seront placées sous le commandement du commandant du CCG et pourraient également être déployées rapidement « dans des zones situées en dehors de la juridiction de leur armée régionale ». Au total, le Japon prévoit de disposer de huit brigades et divisions de déploiement rapide.
Pour ce qui est du GCC, il aura son siège à Camp Asaka dans la banlieue nord-ouest de Tokyo et les plans prévoient qu’il soit composé d’environ 180 personnes. Il prendra le commandement des cinq armées régionales de la GSDF (nord, nord-est, est, centre et ouest) « en cas d’incident ». Selon les journalistes du pays, ces armées fonctionnent maintenant indépendamment, sous le commandement de leurs propres généraux. Sa création vise à favoriser le bon déroulement des opérations avec les forces aériennes et maritimes, ainsi qu’avec l’armée américaine. Mais pour un haut responsable du GSDF « selon la situation, la chaîne de commandement pourrait devenir confuse ».
Les Marines japonais qui doivent naître ce 28 mars devront encore grandir si ils veulent accomplir leur missions face à une « armée étrangère », ils devront aussi attendre leurs premiers joujoux. Mais cette initiative du Premier ministre Shinzo Abe, lancée en 2014, doit être comprise comme une première tentative de redonner au Japon des forces militaires dignes de ce nom, et ce, avec l’aval des États-Unis qui les équipent en matériel. À ce propos, le 15 mars, l’amiral Harry Harris Jr., commandant de l’US Pacific Command, déclarait devant le Sénat : « la politique des États-Unis est claire et n’a pas faibli: les îles Senkaku sont sous l’administration du Japon et, en tant que telles, sont couvertes par l’article 5 du Traité de coopération et de sécurité mutuelle américano-japonais. Les États-Unis s’opposent à toute action unilatérale visant à affaiblir l’administration japonaise de ces îles. »
Pour rappel, selon sa constitution post-capitulation, le Japon « renonce à jamais à la guerre » et ne doit dans ce sens maintenir aucun « potentiel de guerre ». Les Japan Self-Defense Forces doivent leur existence à une réinterprétation de l’article 9 en 1954, qui dans le texte et dans les faits empêche les forces armées japonaises d’adopter des dispositifs offensifs. Loin de la simple réinterprétation, Shinzo est motivé à réviser cet article, « faisons en sorte que la Constitution énonce les Forces d’Autodéfense pour mettre un terme à la controverse sur leur constitutionnalité » a-t-il ainsi déclaré dimanche dernier.
Outre la Chine et la Corée du Nord qui ont très probablement pris acte de cette initiative comme étant un symbole de remilitarisation de leur vieil ennemi, la Russie pourrait être elle aussi irritée par cette nouvelle capacité de déploiement, puisqu’elle connait à propos des îles Kouriles un sérieux conflit territorial avec le Japon.
Source : Forces Operations Blog
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