Journée historique à l'Élysée: De Gaulle et Adenauer, en se donnant l'accolade, consacrent la réconciliation entre la France et l'Allemagne.
C'est à 17h42 qu'ont été signés, dans le somptueux décor de la salle Murat, à l'Élysée, le traité de coopération franco-allemand et la déclaration conjointe faite par le président de Gaulle et le chancelier de l'Allemagne fédérale.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Cette tendance était amorcée depuis quelque temps, et elle s’accélère, à la faveur notamment des les maisons de vente anglo-saxonnes qui se désintéressent du goût classique
Précédé par le président Pompidou et par tous les ministres français et allemands qui avaient participé aux travaux de ces deux journées, le chancelier arriva à 17 heures à l'Élysée.
Une conférence d'une demi-heure environ eut lieu avant la cérémonie solennelle. De Gaulle prit la plume et s'approcha alors des deux documents libellés en français, tandis, qu'imitant son geste, Adenauer apposait sa signature sous les textes allemands des protocoles. Puis, les deux hommes d'État contresignèrent chacun les textes déjà paraphés par l'autre.
«Il n'est pas un homme dans le monde qui ne mesure l'importance capitale de cet acte.»
Charles de Gaulle, président
Un silence plana. À leur tour, MM. Pompidou et Couve de Murville pour la France, ainsi que M. Schroeder pour l'Allemagne, prirent la plume pour signer le texte du traité. Il était alors 17h47. Des décennies d'inimitiés, de haine, de guerre venaient de trouver un terme explicite. La France et l'Allemagne coordonnaient leur avenir. Le président de Gaulle se leva pour prononcer une courte allocution.
«C'est d'un cœur et d'un esprit profondément satisfaits, dit-il, que moi-même et M. le Premier Ministre et M. le Ministre des Affaires étrangères venons de signer avec M. le Chancelier de la République fédérale d'Allemagne et M. le Ministre fédéral des Affaires étrangères le traité de coopération franco-allemand. Il n'est pas un homme dans le monde qui ne mesure l'importance capitale de cet acte, non pas seulement parce qu'il tourne la page après une si longue et si sanglante histoire de luttes et de combats, mais aussi parce qu'il ouvre toutes grandes les portes d'un avenir nouveau pour la France, pour l'Allemagne, pour l'Europe et par conséquent pour le monde tout entier.»
Le chancelier Adenauer lui répondit en allemand:
«Vous avez exprimé les sentiments de tous ceux qui, du côté français et du côté allemand ont participé à cette œuvre de façon si parfaite. Je n'ai rien à ajouter: chacune de vos paroles correspondent à nos espoirs.»
«L'instant de l'accolade fut si spontané et si simple que l'émotion prévalut sur l'étonnement.»
En cet instant précis, les deux hommes se regardèrent. De Gaulle ouvrit les bras -spectacle unique- Adenauer imita son geste. Cela ne dura que quelques secondes: le président de la République française et le chancelier d'Allemagne s'embrassèrent.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Nous avons vécu, en 1962, le défilé de Mourmelon, la messe entendue côte à côte à Reims.
Nous avons suivi l'épique «chevauchée» du président de Gaulle à travers l'Allemagne fédérale. L'instant de l'accolade, qui couronnait l'œuvre sciemment élaborée et menée à bonne fin avec une célérité qui tient du miracle, fut si spontané et si simple que l'émotion prévalut sur l'étonnement.
Lorsque, le 22 janvier 1963, le chancelier Adenauer était arrivé à l'Élysée, à 10 heures, comme le 21 janvier, pour le second aparté avec le président de Gaulle, il venait de quitter son ministre des Affaires étrangères avec lequel il avait pris le petit déjeuner.
De façon quasi officielle, cette fois, le chancelier allemand se proposait d'entretenir le Président de l'épineux problème de Bruxelles, pour lequel il espérait avoir trouvé une solution de compromis. Il s'agissait, comme nous l'avions indiqué le 21 janvier 1963 dans nos dernières éditions, de gagner le général a une idée dont la délégation allemande se promettait quelque succès, c'est-à-dire de charger la commission exécutive de la Communauté économique (Marché commun) de dresser le bilan des points litigieux demeurant en suspens entre les Six et la Grande-Bretagne. Cette méthode de sursis provisoire à la rupture pouvait permettre un nouvel examen du problème.
Le président de Gaulle écouta son interlocuteur sans marquer d'impatience et promit de réfléchir à la question.
Adenauer, nous assure-t-on, aborda également un autre sujet et confia sa pensée au général. Il s'agissait des propositions faites par M. Kennedy à M. Macmillan aux Bahamas et de la conversation qu'il avait eue lui-même à Bonn avec M. Ball, sous-secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères.
Il aurait avoué à de Gaulle que moins enthousiaste que ses ministres, Schroeder et von Hassel, il considérait que le problème de codécision prévue pour la mise en œuvre de la riposte atomique multinationale était loin d'être résolu, en dépit des explications qui lui avaient été fournies. M.Ball, selon lui, aurait développé une idée personnelle qui risquait de n'avoir jamais l'accord du président Kennedy, sans compter que l'automatisme des mesures de rétorsion en cas d'agression soviétique lui paraissait sujet à caution.
Quant à midi il eut quitté l'Élysée, toujours dans la même «DS» que la veille, le président de Gaulle s'entretint longuement avec le président Pompidou et Couve de Murville qu'il avait convoqués.
Un déjeuner à l'ambassade d'Allemagne
À 13h15. le chancelier offrait, à la résidence de son ambassadeur, avenue Foch, un déjeuner dont l'hôte d'honneur était le premier ministre français. Tous les autres ministres et secrétaires d’État ayant participé aux entretiens étaient également invités au repas, qui comptait vingt-quatre convives.
MM. Couve de Murville et Schroeder s'étaient, une fois de plus, rencontrés dans la matinée entourés de leurs plus proches collaborateurs pour parfaire textes et traductions des documents à signer dans l'après-midi. Il en avait été de même, rue Saint-Dominique, de MM. Messner et von Hassel. En bref, lorsque se séparèrent les hôtes du chancelier, vers 16 heures, tout était près pour un lever de rideau, qui allait préluder à la signature des accords.
Dans la soirée, à 19 heures, une grande réception allait avoir lieu, cette fois encore à la résidence de M. Blankenhorn, en l'honneur des ministres et des parlementaires français.
Ce matin, le chancelier rendra visite au Président à 10 heures. Les délégations se retrouveront ensuite à l'Élysée où sonnera, vers midi, l'heure de l'adieu. L'envol de la délégation allemande est prévue pour la fin de la matinée.
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Sources : le Figaro