L’armée de Terre souhaite envoyer des chars Leclerc au Sahel (Actualisé)L’effet politique d’une telle décision est sous-estimé : ce serait reconnaître que la menace justifie l’envoi de chars lourds.L’engagement des chars Leclerc émiratis dans la guerre du Yémen donne des idées à l’état-major de l’armée de terre (Emat). Comme le signalaient le Monde et le Figaro, l’Emat propose de dépêcher quelques blindés lourds pour renforcer l’opération Barkhane, au Sahel. Cette idée est en cours d’examen à l’état-major des armées et au cabinet du ministre de la défense. Elle pose au moins deux questions très sérieuses.
Pour l’armée de terre, il s’agirait d’une expérimentation visant à remplacer les blindés légers ERC-90 Sagaie, qui datent des années soixante-dix, même s’ils ont été « revalorisés ». Leur retrait est « une question d’années », assure-t-on dans l’armée de terre, alors que le futur blindé médian, Jaguar, appelé à remplacer l’ERC-90 Sagaie et l’AMX-10RC, ne seront pas livrés avant, au mieux, 2020.
Le Leclerc est une très solide bête de guerre : son canon de 120 mm porte jusqu’à 4 kilomètres, son équipage est très bien protégé, il est doté de capteurs performants pour le renseignement comme de bons systèmes d’information et de communication (SIC) - qui seront améliorés dans le cadre du programme Scorpion.
Reste deux points noirs : la logistique et le message politique. Avec l’hélicoptère Tigre, le Leclerc est l’engin de l’armée de terre qui nécessite le train logistique le plus lourd… et donc le plus coûteux, en argent et en hommes. Le Leclerc a déjà été engagé à trois reprises : au Kosovo (1999-2002), au Liban (2006-2010) et en Pologne (2015). Son déploiement au Sahel est donc possible, même s’il est compliqué. Il avait d’ailleurs été envisagé au début de l’opération Serval, mais l’état-major des armées avait refusé, justement à cause des trop grandes contraintes.
Plus problématique est la question politique sous-jacente. Si l’armée de terre explique, pour justifier l’envoi des Leclerc, qu’il s’agit de « répondre à la menace » au Sahel, c’est que celle-ci est plus sérieuse qu’on ne veut bien le reconnaître. Envoyer des chars Leclerc au Mali ou au Niger, cela revient à dire à l’opinion publique française : face aux Groupes armés terroristes, on a besoin de gros moyens militaires… Après les Lance-roquettes unitaires (LRU), les blindés lourds ! Trois ans et demi après le début de Serval-Barkhane, c’est afficher un constat d’échec. Toutes les explications techniques et tactiques ne vaudront pas un clou face à la perception qu’en auront les Français et les étrangers.
Surtout lorsqu’on regardera la carte : où seraient déployés les Leclerc ? On évoque Gao, au Mali, où l’on comprend mal l’utilité d’un tel blindé. Mais s’il s’agit, comme on le laisse entendre, de pouvoir engager à distance des colonnes de pick-up ennemis, le point le plus menacé est Madama, dans l’Extrême-Nord du Niger. Face au pick-up, les chars sont de redoutables adversaires : on se souvient comment, en 2008, les T-55 d’Idriss Itno Déby avaient stoppé les forces rebelles dans les rues de N’Djaména - sauvant son pouvoir in extremis.
Un peloton de Leclerc à Madama ? Sacré défi logistique et quel aveu politique à propos d’une menace plus sérieuse qu’on ne le dit.
Actualisé : Un internaute, que je remercie, nous rappelle que le Leclerc a participé à de nombreux exercices à l’étanger : 2001 (République Tchèque) 2002 (Ukraine) 2005 Exercice Gulf 2005 (EAU) 2007 Altengrabow (Allemagne) 2012 Gulf Shield (EAU) 2013 Gulf Falcon (Qatar) 2015 El Himeimat (EAU) 2016 Griffin Strike (Grande Bretagne).
Actualisé (2) : Contrairement à ce que nous écrivions, le ministre de la Défense et son cabinet n’ont pas été saisis du sujet et, nous assure-t-on, ne le serons pas. L’affaire semble donc enterrée.
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