"Mort du général Pierre-Marie Gallois, l'un des pères de la doctrine nucléaire française
On a appris ce matin, dans le carnet du Figaro, la mort du général Pierre-Marie Gallois, l'un des concepteurs de la doctrine de dissuasion nucléaire française. Il était âgé de 99 ans. Cet ancien étudiant aux Beaux-Arts est resté toute sa vie passionné par la technique du trompe-l'oeil qu'il exercera avec talent. Il s'était engagé en 1936 dans l'arme aérienne, et avait servi au Sahara, avant de rallier ensuite la France libre à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale. Il devient, à partir de 1943, pilote au sein d'une unité de bombardement la Royal Air Force, comme pilote au sein d'une unité de bombardement. Après-guerre, devenu chef de cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air, de 1952 à 1953, il a milité pour que la France se dote de l'arme nucléaire. Au Monde, il livre ses réflexions le 14 mars 1991 : " La France venait d'appeler à l'aide en vain, de vivre l'humiliation de la défaite. Hiroshima venait d'avoir lieu. J'étais convaincu que seule une arme de ce type pouvait protéger la France contre toute guerre éventuelle. "
Sous la IVe République, il est membre des cabinets des ministres de la Défense Paul Ramadier, Jules Moch et René Pleven. Devenu en 1954 l'adjoint chargé des études stratégiques du général américain Lauris Norstad, à l'Otan, Pierre-Marie Gallois a su convaincre le gouvernement français, conduit alors par le socialiste Guy Mollet, de fabriquer la bombe atomique. Il ne manquera jamais une occasion de rappeler que c'est la gauche qui a lancé la construction de l'usine d'enrichissement de Pierrelatte (30 novembre 1956) et celle de la bombe atomique française (19 décembre 1956). Quand les socialistes contesteront plus tard la politique de dissuasion, il les traitera de " zozos ".
Théoricien de la dissuasion
Avec les généraux André Beaufre, Charles Ailleret et Lucien Poirier, aujourd'hui le dernier survivant de ce groupe, il contribue à définir la politique française de dissuasion. Il a quitté le service actif en 1957 comme général de brigade, trois ans avant la première explosion d'une bombe atomique. Celle-ci, Gerboise bleue, a explosé sur le site Reggane au Sahara le 1er avril 1960. Dans le contexte de la guerre froide et de la construction d'une capacité française de riposte à une éventuelle agression soviétique, Gallois théorise la dissuasion dite " du faible au fort ", qu'il traduit ainsi : " si la France, menacée de mort, est capable de créer un risque exorbitant aux yeux de l'adversaire, risque qui excède l'enjeu qu'il convoite chez moi (...), alors cet adversaire se tient tranquille. "
Cet homme de conviction voit dans l'arme nucléaire un genre de panacée. Mais elle est française, indépendante et fière de l'être. Dans les années 1970, Pierre-Marie Gallois est directeur commercial des avions Marcel Dassault. Il n'en perd pas pour autant sa liberté de parole. Quand le président Valéry Giscard d'Estaing déclare en 1977 que, " des Pyrénées à la frontière tchèque, il n'y a qu'un seul ensemble territorial ", le général se fâche, arguant que cette vision " anachronique " et " incohérente " " risque de faire prendre à la France des dispositions qui pourraient l'entraîner contre le gré de sa population dans un conflit qui ne serait pas le sien. "
Au fil de ses réflexions, il appelle de ses voeux une riposte atomique à la moindre agression contre les intérêts français. Il est donc logique qu'il s'en prenne, au début des années 1980, à la nouvelle conception stratégique défendue par les socialistes, c'est-à-dire par François Mitterrand et Charles Hernu. Ils ont développé le concept du tir " pré-stratégique ", dit de " l'ultime avertissement " qui ne convient pas du tout à Gallois. Dans les années 1980, il se montre, dans son livre La Guerre de cent secondes, un adversaire résolu de la guerre des étoiles chère au président américain Ronald Reagan, dont il croit qu'elle se traduira par des guerres de " cols blancs ", combattant par ordinateurs interposés. "
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