Aujourd’hui la république de Bosnie-Herzégovine, née des accords de Dayton en 1995, est divisée en deux unités bien distinctes, la fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska serbe. De par ces accords américains, le pays est chapeauté d’un Haut représentant des Nations Unies, l’allemand Christian Schmidt, et dirigé par une présidence collégiale avec trois présidents, le croate Željko Komšić, le serbe Milorad Dodik et le musulman Šefik Džaferović, quatre assemblées parlementaires, 10 cantons avec un parlement par canton, soit en tout 14 parlements et environ 135 ministres.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Une force armée étasunienne y stationne, l’EUROFOR, 600 hommes dont le mandat a été renouvelé pour 12 mois. Enfin, les habitants de Bosnie-Herzégovine sont des Bosniens, les Bosniaques étant les musulmans de Bosnie-Herzégovine. Ainsi sont représentées officiellement la communauté serbe de confession orthodoxe, la communauté croate de confession catholique et la communauté bosniaque de confession musulmane, ces trois entités dirigeant le pays.
Mais d’autres communautés existent, telle la communauté juive ou la communauté rom, mais hormis les trois acteurs au niveau de l’État, serbe, croate et bosniaque, les autres n’ont guère voix au chapitre. Enfin, la Bosnie-Herzégovine est membre du Conseil de l’Europe, mais malheureusement ce pays est dominé par une corruption généralisée des élites de toutes les communautés.
Un accord pour une fin de la guerre Comme nous l’a expliqué notre invitée, Zehra Sikias, journaliste et documentariste bosnienne, les accords de Dayton ont permis la cessation des combats en donnant un peu de pouvoir à chaque partie, mais en fait il s’agit plutôt d’un cessez-le-feu, pas la fin de la guerre, qui pourrait reprendre à tout moment, c’est ce qui se dit dans les milieux dits "autorisés". Et si jamais le pays entrait dans un conflit interne, toute la région des Balkans serait touchée, à savoir les états les plus proches et les plus faibles, le Kosovo, le Monténégro et la Macédoine dite du Nord.
Seules la Serbie, la Croatie et la Slovénie pourraient être les moins touchées, bien que concernées, mais ayant les moyens de protéger leurs frontières. Reste un point d’interrogation, l’Albanie, bien entourée géographiquement par les anciennes républiques yougoslaves. Quelle serait la position de l’Albanie très agissante dans le quotidien du Kosovo, ancienne province serbe ?
Un désir de sécession appuyé Aujourd’hui, toutes les craintes viennent du président de la Républika Srpska, Milorad Dodik. Milorad Dodik est dans un désir de sécession appuyé depuis l’été dernier. L’affaire remonte en juillet 2021 quand le Haut représentant des Nations Unies a imposé une loi interdisant l’apologie des crimes de guerre, ce qui a suscité un réel tollé dans le pays, surtout venant des nationalistes serbes, rapport à la négation de leur part qu’un génocide a été commis à Srebrenica en 1995.
Il faut dire qu’aujourd’hui la Bosnie-Herzégovine est secouée par les nationalistes des trois communautés. Mais, de fait, en août dernier la Republika Srpska, se retirait des forces armées de la Bosnie-Herzégovine, désirant créer sa propre force armée, quittant aussi l’Agence de sécurité nationale et l’Agence de la santé bosno-herzégovienne. La sécession serbe est devenue une réalité qui fait craindre à la population le retour d’un conflit armé.
D’ailleurs depuis l’été dernier, les Bosniens vident leurs comptes en banque, et procèdent à l’achat de provisions. Il faut dire que le président Milorad Dodik, au pouvoir depuis deux décennies est passé maître en la matière de bouleverser l’actualité bosnienne, mais cette nouvelle fois, le pays pourrait bien "plonger" définitivement dans l’abîme.
Les amis anciens et nouveaux de Milorad Dodik De toujours, depuis 1995, la Serbie du président Aleksandar Vučić a toujours soutenu la Republika Srpska, tout comme la Croatie a soutenu la communauté croate de Bosnie-Herzégovine, mais à la différence de la Serbie, la Croatie est dirigée aujourd’hui par un président social-démocrate Zoran Milanović et un premier ministre conservateur, Andrej Plenković. Si les deux hommes viennent du sérail du ministère des Affaires étrangères croate, Milanović, passé par l’Otan à Bruxelles, est considéré comme plutôt fougueux, et bien souvent imprévisible, tandis que Plenković, que tout le monde appelle Plenki, est un diplomate florentin doublé d’une expérience de député européen, ainsi les institutions européennes ne lui sont en rien étrangères.
D’ailleurs concernant la question croate, Milorad Dodik est soutenu dans sa démarche sécessionniste par Dragan Covic, le chef des nationalistes croates de Bosnie-Herzégovine, car la sécession croate existe aussi en Bosnie-Herzégovine. qui se traduirait par une séparation croate au sein du pays. Mais hormis ces soutiens très ethniques, d’autres acteurs sont entrés dans le jeu de la Bosnie-Herzégovine. Tout d’abord, la Russie de Vladimir Poutine, très liée à la Serbie par l’orthodoxie, la culture cyrillique, un rapprochement qui n’est pas d’hier, et qui se note dans certaines institutions internationales comme le Conseil de l’Europe.
Autre acteur, le turc Recep Tayyip Erdoğan, peu éloigné de Moscou – on le note aujourd’hui avec la question polono-biélorusse – est toujours prêt à venir "aider" ses coreligionnaires musulmans. Ainsi, après avoir fait des visites de charme et de courtoisie au Kosovo ou à Skopje, le président turc tente de séduire les Bosniaques, et a reçu dernièrement Bakir Izetbegovic, musulman, membre du Collège de l'Assemblée des peuples de Bosnie-Herzégovine, Bakir étant le fils de Alija, ancien président du Collège présidentiel de Bosnie-Herzégovine (14 février-14 octobre 2000), et ancien président de la République de Bosnie-Herzégovine (20 décembre 1990-05 octobre 1996).
Mais Recep Tayyip Erdoğan ne séduit pas seulement les Bosniaques, il a aussi reçu dernièrement le président de la RepubliKa Srspka, Milorad Dodik.
Les deux outsiders Reste enfin deux autres acteurs régionaux, le hongrois Viktor Orban et le slovène Janez Jansa, président du gouvernement slovène, qui préside l’Union européenne jusqu’au mois de décembre prochain.
Pour Viktor Orban, rendant visite à son ami Dodik samedi 7 novembre, la chose est entendu, Budapest "soutient" la démarche du président de la Republika Srpska, mais aussi très proche de Viktor Orban, le président du gouvernement slovène Janez Jansa, qui, se verrait attribué un "non paper", un document n’étant pas officiel, diffusé en avril 2021, qui porterait sur une rectification des frontières dans les Balkans.
La Bosnie-Herzégovine serait divisée entre une partie serbe et une partie croate, les Bosniaques auraient ainsi un territoire en forme de triangle entre Sarajevo, Zenica, au nord- ouest de Sarajevo, et Tuzla au nord de Sarajevo. Il faut dire qu’aujourd’hui, la Republika Srpska prend en tenaille la Bosnie-Herzégovine entre le nord et l’est du pays.
Quant aux institutions européennes, disons qu’elles sont encore et toujours au balcon, à voir se dérouler le spectacle sous leurs yeux, comme elles le firent concernant les guerres de Yougoslavie en 1991, il y a 30 ans...
Source : France Info