Quand il s’agit d’évoquer les « financements innovants » qui doivent permettre aux Armées de trouver les ressources nécessaires pour ses équipements, les responsables civils et militaires du ministère ainsi que les parlementaires n’avancent pas de solutions radicalement nouvelles. Il est question des incontournables partenariat public-privé (PPP), de ressortir les sociétés de projet ou de regarder ce qu’il s’est fait au Royaume-Uni, avec une efficacité toute relative.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Sans doute que le colloque « Financement de la défense : Quelles solutions pour quels besoins? », organisé ce 16 novembre, par la Chaire Économie de Défense de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN) permettra-t-il de mettre en avant des idées vraiment innovantes et non pas inspirées par des pratiques ayant cours ailleurs.
Tel sera le cas du projet « Socle Défense », porté par Fabrice Wolf, un consultant « Défense et Innovation » (et ancien contributeur de ce site) après une carrière dans l’aéronautique navale et soutenu notamment par le général Jean-Claude Paloméros (ex-chef d’état-major de l’armée de l’Air) et l’amiral Pierre-François Forrissier (ex-chef d’état-major de la Marine nationale),
Ce projet « Socle Défense » permettrait aux Armées de se régénérer (tous les chefs d’état-major récemment auditionnés par les parlementaires ont insisté sur cette nécessité), de se moderniser, de développer leurs capacités et d’acquérir celles qui leur font défaut. Il aurait également des conséquences positives sur l’industrie de défense et donc sur l’économie française.
« Un seul euro investi dans l’industrie de défense représente en retombée économique 2 euros, 3 euros, peut-être davantage », avait en effet avancé Jean-Yves Le Drian, lorsqu’il était ministre de la Défense.
Qui plus est, « Socle Défense » respecte quatre contraintes, ce qui devrait être apprécié par les services de Bercy, à savoir qu’il ne créera pas de dette souveraine supplémentaire, qu’il n’exigera pas de prélèvement fiscaux supplémentaires (en clair, le contribuable sera épargné), qu’il ne sera pas financé par des ponctions sur d’autres budgets (autres ministères, sociaux, collectivités locales) et qu’il n’entraînera pas de « perte de prérogative régalienne de l’État ».
Alors, comment cela pourrait-il être possible? Tout simplement en faisant appel à l’épargne des Français, avec la création d’un Plan d’Épargne Défense Avenir (PEDA), ouvert aux seuls particuliers.
Proposé par les banques, ce PEDA aura pour objectif de capter 50% de l’épargne financière volatile annuelle en France, soit 35 milliards d’euros. Il s’agit en réalité de mettre en place un plan d’épargne d’État, avec un fonctionnement calqué sur le Plan d’Épargne logement, avec un rendement attractif (1,5% au-dessus de l’inflation, soit 2,8% en 2016).
Ce PEDA aurait une durée minimale de 4 ans. Les retraits anticipés donneront lieu à des pénalités sur l’exonération fiscale qu’il prévoit mais au même niveau de celles de l’Assurance-Vie. Pour que les banques soient incités à jouer le jeu, elles seront rémunérés à hauteur de 0,5% des sommes en compte par an.
Que deviendra l’argent ainsi récolté? C’est là qu’entre en scène la Société Publique de Financement de Valorisation des Équipements de Défense (SPFVED), une entreprise dont les capitaux seront majoritairement détenus par l’État. Son tour de table sera complété par des acteurs financiers publics (Caisse des Dépôts, Bpifrance, etc), éventuellement des industriels de la Défense, voire des Banque.
Au service de la Direction générale de l’armement (DGA), cette SPFVED financera la conception et la fabrication d’équipements destinés armées françaises. Équipements qui resteront propriétés de l’État puisqu’il sera l’actionnaire majoritaire de cette société chargée de gérer les fonds du PEDA.
Ces équipements seront ensuite loués aux armées sur une durée de 20 ans, avec une « valeur résiduelle nulle sans transfert de propriété, à un taux fixé annuellement égal au taux de rémunération du PEDA ». Lorsqu’ils entreront en fin de cycle opérationnel, ces matériels sortiront de l’inventaire des armées pour être ensuite proposés sur le marché de l’occasion.
Quant à l’attrition des équipements, les promoteurs de Socle Défense assurent que des mesures spécifiques sont prévues pour traiter ce cas, contrairement à ce que proposaient les « sociétés de projet » dont il fut question en 2015, avec notamment une réserve de précaution prise sur le prix de vente, à hauteur de 1% des montants fnancés.
En outre, cette SPFVED pourrait jouer un rôle important dans les exportations d’équipements militaires, en proposant des modes de financement de type leasing pour les clients de l’industrie française de l’armement. De même que dans le financement de la recherche et développement (R&D) du ministère des Armées.
D’après Fabrice Wolf, Socle Défense permettrait de financer un programme d’équipement et de recherche de 100 milliards d’euros sur 5 ans (60 milliards de plus qu’actuellement), de multiplier par quatre les investissements en R & D et de disposer d’un budget des Armées équivalent à 2,45% du PIB (hors pensions, hors opex).
Reste à voir l’accueil qui sera réservé à ce projet qui, pour le coup, tranche avec tout ce qui a été proposé au cours de ces dernières années en matière de « financements innovants »…
Source : Opex360