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Revenons donc à notre E.B.R...
Nous l’avons vu précédemment, la défaite de 40 a mis fin de manière abrupte à la carrière de l’AM 40 P ou Panhard 201…
Où en est l’armée française ?... Hormis quelques véhicules, elle est depuis 1943 rééquipée majoritairement avec des véhicules américains, scout cars AM m8, qui bien que mieux conçus que la plupart des matériels français d'avant-guerre, sont toutefois incapables de faire face aux chars allemands… Leur seul avantage le nombre…
La cavalerie demande donc, dans l’urgence la reprise des fabrications de l'AMD 178 -1935, tourelle APX 3 B, canon de 25 mm et mitrailleuse de 7,5 mm… Par conséquent dès la libération, la fabrication des A.M. Panhard est relancée.
Equipées d'une nouvelle tourelle Five-Lille, elle sont armée d'un canon de 47 mm SA 35. Sous la dénomination Panhard 178 B. elle est servie par les régiments de chasseurs d'Afrique au Maroc et en Tunisie, on la verra également en Indochine.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Version originale de l’E.B.R. 75… L’A.M. 212
Bien qu’en 1945, l'industrie française de défense soit exsangue, ses moyens détruits, l'Etat-Major de l'Armée de Terre lance un programme pour la fabrication d’un engin blindé de reconnaissance.
Les spécifications pour l'E.B.R. sont publiées en juillet de 1945: Une très grande mobilité sur route et en tout-terrain, une autonomie importante, un armement puissant, une conduite dans les deux sens, sont notamment requis.
Quatre constructeurs spécialistes des engins à roues tout-terrain, Panhard & Levassor, Hotchkiss, Latil et Lorraine se mettent sur les rangs…
Panhard commence à travailler sur le projet en janvier de 1946…
… Au départ la firme de la Porte d'Ivry, ne s'imagine pas que son concept AM 201 présenté, on l’a vu, peu avant la seconde guerre mondiale, puisse survivre au conflit…
…Pourtant il est porteur de solutions d’avenir, sa caisse par ses plans inclinés offre une l'architecture qui assure une protection balistique renforcée, le train de roulement offre avant la lettre une protection balistique additionnelle…
… Après ré-étude on s’aperçoit, qu’avec quelques modifications le projet reste valable…
Toutefois à la lumière de l'expérience des cinq années de conflits, il convient de à reconsidérer l'armement sous tourelle qui se doit d'être au moins égal au calibre de 75 mm. du Sherman.
C’est ainsi que naît l'AM 212 , qui reprend donc les grandes lignes de sa devancière d’avant guerre.
Si les dimensions sont modifiées plus longue d’environ un mètre et plus large d’une quarantaine de centimètres que le 201 la silhouette de cette dernière, reste aisément reconnaissable.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Première version avec tourelle FL11
En avril 1946, Panhard reçoit commande pour un E.B.R. à 8 roues et un second à 6 roues.
Quant à Hotchkiss, et Latil, ils reçoivent commande pour un prototype.
Le premier prototype, le modèle 212, à 8 roues indépendantes, motrices en permanence, et suspension oléo-pnematique est terminé par Panhard en juillet 1948 ...
En août il est livré pour les essais…
Hotchkiss ne présente le sien qu’en mars 1949.
Mis en essai au 1er régiment de spahis de Tours, son adoption approuvée le 23 septembre suivant, sous la nomenclature E.B.R.75 Modèle 1951
La production commence en août de 1950 et les premiers E.B.R. sortent d'usine, début 1952…
Livrés pour expérimentation à la S.T.A. Section Technique des Armées, ils subissent les tests et fin 1952, les premières voitures rejoignent le 8ème régiment de hussards qui commence leur mise au point sur le terrain - caisse et tourelle.
En octobre et novembre 1953, elles sont testées sur un parcours de 17 000 km non-stop !!!
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]E.B.R. 75 FL11, en position route
Mais deux hommes dans la caisse, deux autres en tourelle, un moteur central un panier de tourelle cela implique un solution technique pour obtenir un moteur aussi plat que possible.
Panhard, par l’intermédiaire l'ingénieur Delagarde et son second Gustave Géry, s'inspire du moteur à deux cylindres des "Dyna"…
…Cette fameuse « Dyna Panhard » révolutionnaire pour son époque avec son châssis tubulaire, sa carrosserie en alliage d’alu « Duralinox » ses quatre roues indépendantes…
…Tout le monde se souvient, au moins du moins du modèle Z et de son bruit de casserole au démarrage…
…et imagine un douze cylindres à plat refroidi par air , en fait 6 bi cylindres de Dyna accolés. Ainsi le moteur qui ne fait que 20 cm de haut, peut se loger au centre du véhicule, juste sous le panier de tourelle, ce qui permet à l'E.B.R. d’avoir une coque remarquablement basse de seulement 103 m de haut !!!
Le moteur Panhard 12 H 6000 S, d’une cylindrée de 6 litres, 12 cylindres horizontaux à plat en 2 groupes de 6 opposés, 4 temps, soupapes en tête culbutées, deux carburateurs, refroidissement par air, carter sec, allumage par deux magnétos, développe une puissance nominale de 200 CV à 3 700 tr/mn., ce qui est suffisant de donner à l'E.B.R. de 13 tonnes une vitesse routière maximum de 100 km/h…
Son bas taux de compression de 6,6 :1, lui permet de fonctionner avec de l’essence ordinaire.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Coupe illustrant le système de refroidissement, en A aspiration de l’air frais…
Le circuit de refroidissement est orignal lui aussi. Ainsi, au lieu d'entrer dans le compartiment moteur par des volets ordinaires, l'air de refroidissement est aspiré sous le bord inférieur de la tourelle par l’intermédiaire d’une série de trous ovales situés autour de la moitié avant de l'anneau de tourelle.
Il est canalisé vers le bas, sur chacun des bancs de six cylindres, puis est aspiré par deux ventilateurs axiaux et refoulé, par la voie d’une canalisation de chaque côté du véhicule, vers autre série de trous ovales situés, eux, autour de la moitié arrière de l'anneau de tourelle.
L'entraînement principal, se fait par un embrayage de petit diamètre à quatre disques, dont la conception a, de nouveau, été dictée par l'obligation de conserver à l'installation du moteur une faible hauteur…
L'embrayage est relié à une boîte à quatre vitesses (boite variée) elle même couplée à une seconde boîte de vitesses montée transversalement…
Avec cet arrangement il y a 16 vitesses possibles dans chaque direction et l'ensemble autorise ainsi une vitesse sur route de 3 à 105 km/h tout en permettant de passer, sans marquer d'arrêt, de la vitesse maximale à la combinaison la plus réduite.
Sur route, seule la première boîte longue est utilisée avec la deuxième gardée en première vitesse.
La deuxième boite intègre également un différentiel à partir duquel, via un inverseur on peut inverser le sens de marche.
La suspension des roues de avant et arrières est assurée de manière conventionnelle au moyen de deux ressorts hélicoïdaux concentriques et d'un amortisseur télescopique attaché au bras de roue.
Par contre chacune des quatre roues intermédiaires a, au contraire, une suspension oléo-pneumatique qui se compose d'un cylindre d'azote séparée du fluide hydraulique par un cylindre flottant, et d'un deuxième piston relié au bras de roue qui agit comme un ressort, amortisseur et sert également a commander la montée ou la descente desdites roues.
...Pour faire simple, dans son principe, le système utilisé par Citroën pour sa DS…
Le fluide sous pression est fourni à la suspension par un système hydraulique intégré, qui fournit également la puissance hydraulique nécessaire à la direction et au fonctionnement des freins.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]E.B.R. 75 vu de dessus
Lorsque le véhicule roule en position route les deux roues avant dirigent normalement le véhicule… Toutefois, il est possible de débloquer les roues arrière et de les faire également pivoter, ce qui fait varier le rayon de braquage 10,00 m. à 6,50 m. Les pilotes appellent cela faire "carrousel"…
Cette disposition à quatre roues directionnelles est également obtenue automatiquement lors de l’abaissement des roues Alpax intermédiaires.
L’E.B.R. est chaussé de pneus increvables Michelin VPF 24 Veil-Picard, dimension 14 x 24 qui sont composés de petites cellules remplies d'azote sous pression…
Ce type de pneus, à été utilisés sur plusieurs véhicules français depuis les années trente, de préférence aux increvables communs, qui tablent sur la rigidité des parois latérales, afin d’avoir la capacité de fonctionner pendant un certain temps après avoir été perforé par des balles…
Les roues intermédiaires sont garnies d’un cerclage en duralumin "Alpax" à crampons d'acier, ce cerclage est relié a la jante avec un degré limité de résilience par une rangée de blocs de caoutchouc inséré entre le disque de la roue et la jante.
Lorsque toutes les huit roues sont en contact avec le sol et l'ont pénétré d'une profondeur de 100mm la pression exercée par l’E.B.R. sur le terrain est 0.7 kg/cm2, qui est inférieur à la pression au sol de chars de combat et rend l’E.B.R. largement compétitif avec les véhicules à chenilles en tout terrain.
La coque de l’E.B.R. est constituée de plaques de blindage en acier soudée entre elles et dont l'épaisseur varie de 10 à 40mm.
Une caractéristique surprenante de sa conception est un montage pour une mitrailleuse 7,5 mm dans la partie inférieure des plaques avant et arrière: ces mitrailleuses destinées à être servies par les pilotes, ont rarement été montées.
Une caractéristique beaucoup plus remarquable de l’E.B.R. est sa tourelle oscillante FL 11...
Cette tourelle fut étudiée par Fives Lille à partir d'une l'idée de l'ingénieur Michaux:
Oscillante, en deux parties distinctes mais solidaires, elle est simple, la supérieure montée sur tourillons pointe en site et permet le chargement automatique et la possibilité d'un tir rapide de trois obus - trop court, trop long, dedans - dans le même temps que met une tourelle classique à n'en tirer qu'un seul…
Servie par deux hommes - chef de voiture-chargeur et tireur - son mouvement s'effectue au moyen d'un servo-pointage hydraulique permettant une rotation totale en 14 secondes, ou manuellement à l'aide de volants …
Son pointage en site est de -10° à +15°.
L’E.B.R. original 75 Modèle 1951 et le type développé à partir de 1954 furent équipés, au départ, de la tourelle FL 11 pourvue du canon de 75 mm SA 49, Vo de 600 m/s, frein de bouche à deux étages, d’une mitrailleuse coaxiale MAC 31 E, calibre de 7,5 mm et de quatre pots lance fumigènes qui complètent le dispositif…
Par la suite, lors de l'adoption et de l'installation du canon de 90 mm F2, V0 de 750 m/s , le frein de bouche sera réduit à un étage.
La tourelle abrite vingt obus, trente-six autres sont en caisses, la dotation des mitrailleuses est de 2 250 cartouches, en chargeurs de 150 coups "Reibel" circulaires, douze grenades offensives complètent la dotation.
Plus de 800 pièces de 75 mm SA 49 pour les EBR FL 11 seront fabriquées de 1950 à 1953 par l’APX (Atelier de Puteaux) dont 500 rien qu'en 1952.
La fabrication des munitions de 75 mm pour les EBR et les AMX-13 a été confiée aux établissements spécialisés de la DEFA et à l’industrie privée avec la participation de la Direction des poudres.
Environ 300 000 coups de 75 mm pour Cn 75 SA 49 (EBR FL 11) et près de 1 400 000 coups pour Cn 75 SA 50 (AMX 13-75 et EBR FL 10) ont été produits entre 1954 et 1966.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]E.B.R. 75 tourelle FL10
Certains E.B.R. modèle 1954, (M 54/10), ainsi que des modèle 1955 ont ensuite été équipés avec la tourelle FL 10 de l'A.M.X. 13, qui possède un canon de 75mm plus puissant, à haute vitesse initiale et comportant un mécanisme de chargement automatique.
L'augmentation de la vitesse initiale de 600 à 1000 m/s accroît la capacité anti-char de l’E.B.R., mais cette tourelle fait également passer son poids de 13 à 15 tonnes et sa hauteur de 2,24m à 2,58m...
Ces contraintes et le développement d'une arme très efficace à alésage 90mm quasi lisse, fruit du ré-alésage du canon de 75mm SA49, conduit tous les E.B.R. être réaménagés avec la tourelle FL11 / 90.
Le projectile tiré par cette arme est un obus empenné à charge creuse d’une vitesse initiale de 750 m/s et capable de pénétrer 320mm de blindage.
En conséquence les E.B.R. 90 F2 peuvent même engager des chars de combat !!!
En plus de ses projectiles à charge creuse, l’E.B.R. 90 F2 emporte également des projectiles empennés explosifs.
Le nombre total de coups emportés passe dés lors à 43, contre 56 de la version canon de 75mm d'origine.
650 tourelles FL 11 auront été modifiées (réalésage du canon, modification des casiers à munitions, etc).
Les tubes de 90 sont pris sur les importants stocks de tubes de 75, que l’on arrivait pas à consommer (durée de vie fixée à 150 coups pondérés en sachant qu'un obus PCOT valait 1 coup et qu'un obus explosif valait 0,5 coup) …
Ils furent donc réalésés au calibre 90, ce qui, fatalement, réduisait l'épaisseur des parois, d'où la mise en place par la suite de manchons anti-arcure
La durée de vie d'un tube de 90 était de 3000 coups pondérés : 1 obus BSCC valait 0,1 coup pondéré)
La principale différence entre les deux tubes hormis le calibre est bien entendu les rayures, le pas de celles du 75 est de 27 degrés alors que pour le 90 le pas n'est que de 30 minutes (une rayure du 75 fait presque 4 tours sur la longueur du tube alors que sur le 90 elle ne fait même pas 1/4 de tour)
Pour résumer , les montages suivant ont été successivement adoptés sur les E.B.R. :
EBR FL 11 :
Canon de 75 mm semi automatique modèle 1949 (Cn 75 SA 49)
Obus perforant de 75 mm – Vo = 600 m/s
EBR FL 10 :
Canon de 75 mm semi automatique modèle 1950 (Cn 75 SA 50)
Obus perforant de 75 mm – Vo = 1.000 m/s
EBR 90 F1 :
Canon de 90 mm D924,
Désignation EMAT "Canon de 90mm Modèle F2" (Cn 90 F2)
Obus à charge creuse de 90 mm empenné – Vo = 750 m/s
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Démonstration de franchissement
En plus des versions tourelles 75 et 90mm, l’E.B.R. a également été, expérimentalement, équipé d'une tourelle de grande dimension portant deux canons automatiques anti-aériens Hispano-Suiza type 831 de 30mm, préfigurant ainsi l’AMX bitube de 30…
Cette version n'a cependant pas été adoptée…
Ni d’ailleurs le transport de troupe blindé, E.B.R.-E.T.T., dont un prototype vit le jour dans le milieu des années cinquante.
Encore une fois on y préféra l’AMX VTT… Décision politique ? … Pour ma part je pense que oui…
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